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Prévisions – 2023
23 janvier 2023

TABLE DES MATIÈRES
Les Prévisions de cette année analysent les thèmes à long terme qui sous-tendent nos perspectives et tiennent compte des facteurs cycliques à court terme qui influent sur les perspectives de l’économie, de l’inflation et de la politique monétaire. Nous examinons les valorisations boursières et, en tenant compte de tous ces facteurs, nous établissons le cadre de notre stratégie de portefeuille. Au cours de l’année, vous trouverez des mises à jour des Prévisions dans notre bulletin mensuel Perspectives.
La pandémie de COVID-19 est en grande partie derrière nous. Le dernier grand pays à accepter de « vivre avec le virus », la Chine, abandonne maintenant sa « politique zéro COVID » en vigueur depuis longtemps. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a remplacé la santé comme principale préoccupation au cours de l’année. La hausse des prix des aliments et de l’énergie provoquée par la guerre a accentué les déséquilibres entre l’offre et la demande, qui faisaient déjà grimper l’inflation à l’échelle mondiale.
Pour les marchés financiers, l’inflation élevée a déclenché une forte réaction des banques centrales qui a fait augmenter les taux d’intérêt et entraîné des réévaluations des catégories d’actif. On se souviendra de 2022 comme de la première année où les actions et les obligations américaines ont reculé de plus de 10 % dans la même année. L’année a aussi été marquée par la fin ou le renversement de nombreuses tendances de longue date sur les marchés :
- La stagnation à long terme sur plusieurs décennies, qui a été caractérisée par une faible croissance et une faible inflation, a pris fin
- Les cibles d’inflation moyennes flexibles présentées en août 2020 ont été abandonnées avant même leur mise en application
- L’extrapolation assurée des coûts d’emprunt peu élevés à long terme est chose du passé
- Les obligations à rendement négatif ont disparu après avoir atteint un sommet mondial de 18 000 G$ US au milieu de 2020
- Les excès de liquidité attribuables à l’assouplissement quantitatif sont maintenant en voie de s’inverser à l’échelle mondiale
- Le marché haussier prolongé alimenté par les actions de croissance et les valorisations élevées a pris fin
- La corrélation négative entre les actions et les obligations s’est rompue
Que devons-nous en penser par rapport aux prochaines années? La réponse dépend de la trajectoire de l’inflation à partir de maintenant. L’histoire des 50 dernières années nous indique que, lorsqu’un pays a fait face à un taux d’inflation de 8 % ou plus, il faut plus de deux ans pour que le choc se réduise à un taux modéré (inférieur à 3 %). La perspective d’un retour à l’inflation cible au cours des 12 prochains mois est donc optimiste.
Habituellement, une récession et une hausse du chômage sont nécessaires pour freiner la demande. Comme les banques centrales se concentrent résolument sur l’inflation, une récession est probable. Mais, au-delà de ce prochain repli, nous demeurons préoccupés par les perspectives à long terme d’un retour à la cible d’inflation de 2 % des banques centrales. Pendant quatre ans, selon nos perspectives de nos thèmes à long terme, nous ne retournerons pas à une stagnation à long terme et l’inflation élevée s’intallera. En fait, les événements des dernières années ont accentué ces tendances à long terme. Nous discuterons de ces tendances et évaluerons les thèmes cycliques à court terme, y compris les perspectives d’inflation et la réaction de la politique monétaire, en soulignant les risques pesant sur nos perspectives. Enfin, nous présenterons notre point de vue sur les valorisations boursières après une année 2022 tumultueuse et discuterons de la stratégie du portefeuille.

Conjoncture à long terme
La Grande modération est la période observée depuis le milieu des années 1980. Elle était caractérisée par une stabilité accrue des données économiques, une faible inflation et une croissance économique modeste. Au cours de cette période, les risques géopolitiques ont été faibles, les sociétés ont profité de solutions de rechange à faibles coûts grâce à la mondialisation et ont eu recours à des chaînes d’approvisionnement de plus en plus complexes. La COVID a mis en évidence la fragilité du système existant en période de tensions. Certaines des forces à long terme que nous avons identifiées il y a quatre ans étaient de nature inflationniste – renversement de la mondialisation, vieillissement de la population, mesures visant à inverser les changements climatiques et importance croissante de la politique budgétaire. Ces facteurs ont été fortement renforcés par les événements des trois dernières années. Nos thèmes à long terme nous amènent à se réorienter d’un contexte de désinflation généralisée vers un contexte où l’inflation ne constitue pas une réponse cyclique temporaire au déséquilibre entre l’offre et la demande, mais bien une pression à la hausse soutenue. Cette situation complique le travail des décideurs politiques.
1. La sécurité est importante dans le contexte géopolitique
- Après plusieurs années d’instabilité causée par les guerres commerciales, les problèmes de santé, la politique, la guerre, les difficultés de la dotation en personnel et la rupture des chaînes d’approvisionnement, la sécurité des relations d’affaires deviendra la priorité à mesure que les relations mondiales se réaligneront. La mondialisation a atteint un sommet dans les années 1990 avec les accords de libre-échange (OMC, ALENA, traité de Maastricht), mais elle est maintenant en déclin et il est peu probable qu’elle se stabilise. Une longue période de calme relatif à l’échelle mondiale a permis aux entreprises de se tourner vers des chaînes d’approvisionnement de plus en plus efficaces axées sur les coûts les plus faibles à l’échelle mondiale. Les consommateurs et les gouvernements exigent maintenant des politiques plus nationalistes en ce qui a trait à la production de biens, et les entreprises accordent maintenant de l’importance à une résilience accrue dans un monde géopolitique plus incertain et paieront des coûts plus élevés pour y parvenir.
- Le réalignement entre la Chine et les États-Unis est le facteur le plus critique de ces relations, en raison de leur taille comme les deux plus grandes économies du monde. En 2000, l’adhésion de la Chine à l’OMC a été un facteur de désinflation mondiale pendant 20 ans. La Chine a fourni aux États-Unis des biens manufacturés et de la main-d’œuvre à bon marché. Il s’en est suivi que la courbe mondiale de Phillips s’est aplatie. Dans les dernières années, même avant les guerres commerciales de l’administration Trump, le commerce mondial ralentissait déjà, car le ratio des salaires entre les États-Unis et la Chine est passé de 34 fois à seulement 5 fois au cours de ces 20 années, ce qui a entraîné une diminution des gains mutuels. Ainsi, même si les importations de marchandises aux États-Unis ont bondi de 38 % depuis la COVID, en raison de la montée en flèche des achats, la proportion de ces biens importés de Chine a diminué. La relation entre la Chine et les États-Unis s’est transformée en concurrence pour les technologies, les services financiers, les matières premières et la domination géopolitique. Tout comme la mondialisation a contribué à l’accès à une main-d’œuvre mondiale, à la désinflation des prix des biens, à la réduction des investissements dans les stocks et à la volatilité du cycle économique, le déclin de la mondialisation implique le contraire de ces effets.
- La Russie fournit à l’Europe de l’Ouest du gaz naturel, du pétrole et du charbon pour soutenir le secteur manufacturier européen. Toutefois, la plupart des solutions de rechange à l’énergie russe sont plus coûteuses. De plus, les sanctions économiques actuellement imposées à la Russie ne devraient pas disparaître immédiatement, même si la guerre devait prendre fin. La guerre a également incité les pays à augmenter leurs dépenses militaires. Le commerce et la finance sont également influencés par des tactiques géopolitiques, puisque des pays gèlent les réserves de change d’autres banques centrales et restreignent : l’accès aux systèmes de paiement, l’expropriation d’actifs et l’autofinancement de nombreuses sociétés. De plus, plusieurs pays limitent les exportations des matières premières. Dans l’ensemble, l’orientation vers la sécurité, la résilience et les relations entraîne une hausse des coûts.

2. Un cycle d’investissement des capitaux avantageux, mais coûteux
- Le résultat direct des préoccupations liées à la sécurité est qu’un cycle de dépenses en immobilisations axé sur la demande pourrait survenir. Une partie de la demande portera sur la sécurisation de chaînes d’approvisionnement fiables et à proximité, dont l’importance a été démontrée lors de la pandémie d’abord pour les vaccins et les fournitures médicales et ensuite pour les biens et services généraux. Cela devrait éloigner le secteur manufacturier de la mentalité du plus faible coût. Compte tenu des investissements dans la machinerie, la technologie et l’innovation, il faut espérer que cela rapportera des dividendes grâce à une hausse de la productivité.
- Un deuxième facteur est la façon de repenser les sources d’énergie. L’Europe doit remplacer la Russie par une autre source d’énergie, mais tous les pays cherchent des moyens de délaisser les combustibles à base de carbone pour lutter contre les changements climatiques. L’énergie renouvelable est plus coûteuse et généralement moins fiable dans l’ensemble (il n’y a pas toujours de soleil ou de vent au moment où il en faut), tandis que l’énergie nucléaire nécessite d’importants investissements. Toutefois, dans son rapport de 2022, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) fait remarquer que la crise énergétique actuelle pourrait accélérer la transition vers l’énergie propre. Les investissements mondiaux dans le secteur de l’énergie devraient atteindre 2 400 G$ US cette année, soit une hausse de 8 %, dont les trois quarts sont consacrés à l’énergie propre. Parmi les nombreux engagements à l’échelle mondiale, soulignons la mise en œuvre par les États-Unis d’un programme de sécurité climatique et énergétique de 370 milliards de dollars américains dans le cadre de l’Inflation Reduction Act en août 2022 afin de rendre des fonds publics disponibles pour la recherche et les investissements dans les énergies renouvelables. Le plan REPowerEU de la Commission européenne investit 210 milliards d’euros dans les énergies renouvelables et le passage à d’autres carburants. De façon plus générale, les investissements dans les infrastructures du secteur public augmenteront également et sont déjà en cours aux États-Unis à la suite de l’adoption à la fin de 2021 de l’Infrastructure Investment and Jobs Act (1 200 milliards de dollars américains).

3. L’offre mondiale de main-d’œuvre diminuera
- La population mondiale a atteint huit milliards de personnes le 15 novembre 2022, selon l’ONU. Il a fallu 70 ans pour qu’elle passe de 2,5 à 8 milliards de personnes. Au cours des 70 prochaines années, on prévoit toujours une croissance, mais à un rythme beaucoup plus lent, pour atteindre environ 10 milliards de personnes. Cette donnée est importante parce que la croissance de la part de la population en âge de travailler, définie comme étant âgée de 18 à 65 ans, contribue à l’expansion économique. Or, ce ne sera plus le cas pour la plupart des pays industrialisés. En effet, le ratio de dépendance, soit la part de la population âgée de plus de 65 ans par rapport à la population en âge de travailler, devrait augmenter de 10 % en 2022 à 16 % en 2050, ce qui est considérable.
- Les projections démographiques sont bien claires, mais, même au sein de la population active, les tendances indiquent un ralentissement de la participation. Aux États-Unis, la proportion d’Américains en âge de travailler dans la population active a fortement diminué; elle est passée de 67,3 % en 2000 à 62,1 % à la fin de 2022. Environ la moitié de cette baisse est attribuable au départ à la retraite de la génération des baby-boomers, qui devrait demeurer une force importante jusqu’en 2030. Au Canada, le taux de participation de 65 % reste proche de sa moyenne à long terme, malgré la même influence des baby-boomers. Le pays a apporté d’importants changements à sa politique d’immigration internationale afin de consolider son profil démographique, ce qui augure bien à moyen terme. Nous avons vu les conséquences de la démographie sur la main-d’œuvre pendant la pandémie. Les travailleurs ont pris une retraite anticipée ou ont quitté le marché du travail pour prendre soin de leur propre santé ou d’un être cher. À mesure que la taille de la main-d’œuvre mondiale diminue, son pouvoir de négociation augmente naturellement, et ce, pour la première fois depuis des décennies. Ces tendances devraient favoriser une hausse des salaires.

4. La politique budgétaire aura plus d’importance, mais elle devra être gérée avec soin
- Avant la pandémie, la politique monétaire était limitée par les taux d’intérêt nuls et les banques centrales achetaient déjà des obligations massivement. À l’époque, la politique monétaire atteignait les limites de l’efficacité et, selon nous, la gestion des cycles économiques allait être confiée à la politique budgétaire. La pandémie a accéléré tout cela, en raison des mesures d’intervention massives des gouvernements prenant la forme de programmes de soutien social qui ont fait grimper les déficits. La politique monétaire a joué un rôle crucial, mais secondaire, en rachetant les obligations émises pour financer les dépenses gouvernementales. Pourtant, même lorsque l’inflation était élevée en 2022, les gouvernements mettaient en place des programmes de dépenses très diversifiés : ils envoyaient des chèques pour aider les familles à composer avec l’inflation élevée, renonçaient aux prêts étudiants, créaient des programmes nationaux de soins dentaires et offraient un soutien direct aux locataires. Par conséquent, même si, dans l’ensemble, les déficits budgétaires ont nettement diminué par rapport aux pires projections au sortir de la pandémie, les déficits gouvernementaux continuent d’être plus importants que les niveaux prépandémiques, ce qui souligne leur incidence dans ce contexte de fin de cycle.
- Il est toujours plus facile de mettre en œuvre une politique budgétaire expansionniste sans que ne cessent véritablement les demandes faites au gouvernement. Toutefois, pour assurer un financement naturel suffisant, il est utile d’avoir une forte croissance économique et de faibles taux d’intérêt, un contexte dont nous avons profité au cours de la période 2020-2021. En effet, si les niveaux d’endettement augmentent soudainement, comme ce fut le cas lors de la pandémie, l’inflation élevée réduit également la valeur réelle des dettes en circulation. Au moment où nous nous dirigeons vers une période d’activité économique inférieure à la tendance et de ralentissement, et non de faiblesse, de l’inflation, il vaut la peine de rappeler deux événements marquants de 2022 qui mettent en garde contre des dépenses budgétaires illimitées. Tout d’abord, la publication du budget du Royaume-Uni comportant d’importants projets de dépenses a causé une flambée historique des taux des obligations gouvernementales, qui a presque provoqué l’effondrement des caisses de retraite britanniques. Cela nous rappelle qu’en période d’assouplissement quantitatif, les gouvernements peuvent enregistrer d’importants déficits si la banque centrale est un acheteur important de ces obligations gouvernementales. À mesure que les liquidités sont retirées du système, les gouvernements doivent contrôler ces impulsions et imposer des contraintes pour les emprunts. Deuxièmement, la Banque du Japon a doublé la fourchette de négociation permise des taux des obligations gouvernementales japonaises à 10 ans pour la porter à 0,5 point de pourcentage de part et d’autre de la cible de 0 %, élargissant ainsi le plafond effectif des taux. Comme elle était la dernière grande banque centrale à décréter une hausse des taux d’intérêt, il s’agissait peut-être de la fin de la politique de taux d’intérêt zéro et d’un signe de hausse structurelle des taux à l’échelle mondiale. Dans l’ensemble, la politique budgétaire demeurera une véritable force, mais il est peu probable que les participants aux marchés tolèrent les dépenses non contrôlées et des coûts de service de la dette plus élevés.
La conjoncture cyclique
Monde : court cycle, courte récession
- La présidence du FMI estime qu’un tiers de l’économie mondiale sera en récession en 2023. Les États-Unis, l’Union européenne et la Chine sont tous en train de ralentir. La croissance économique mondiale devrait passer de 3,2 % en 2022 à 2,7 % en 2023. Si ce scénario se concrétise, le cycle actuel sera l’un des plus courts jamais enregistrés, ce qui marquera un retour à un cycle d’expansion et de récession qui était plus courant dans les années 1980 et 1990. Un resserrement vigoureux de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation devrait donner lieu à la troisième pire année du siècle pour la croissance mondiale, après la pandémie de 2020 et les répercussions de la crise financière mondiale en 2008.
- Toutefois, à l’instar de la récession de 2020, qui a été provoquée de façon inhabituelle par des mesures hors du commun visant à fermer une économie qui se portait bien, la récession de 2023 sera caractérisée, elle aussi de façon inhabituelle, par d’importantes réserves d’épargne et des marchés du travail dynamiques. En effet, l’épargne, les salaires, l’emploi, les prix globaux des actifs (prix de l’habitation et des actions par rapport aux niveaux de 2019) et les prix des matières premières laissent entrevoir une légère récession. Les indicateurs typiques d’un repli important – faillites de sociétés et de ménages, stocks non intentionnels, saturation de la demande – ne sont pas présents.
- La récession de 2023 pourrait aussi être la première depuis 1980 à ne pas présenter de choc financier majeur et se révéler être une véritable récession classique induite par les politiques monétaires (mais cela reste à voir). Fait encourageant, aucun gouvernement important ne s’est opposé activement aux efforts des banques centrales visant à réduire l’inflation parce que celle-ci est très impopulaire. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : l’inflation détruit les gains salariaux nominaux et les valorisations des actifs, ce qui nuit à tous les ménages. Nous sommes donc prêts à accepter des difficultés à court terme pour ramener l’inflation à sa cible.

Canada : une récession suivie d’un nouveau début
- Ayant été l’une des premières banques centrales à reconnaître la nécessité de réduire les mesures de relance, la Banque du Canada a mis fin à ses achats d’actifs à la fin de 2021, a commencé à réduire son bilan en 2022 et a relevé les taux plus tôt que les autres banques centrales. Sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt, les ménages lourdement endettés ralentiront les dépenses pour gérer les coûts plus élevés du service de la dette. Les dépenses de consommation devraient se contracter, mais la vigueur du marché de l’emploi, les revenus nominaux revigorés par la hausse des salaires et l’épargne élevée atténueront ce qui aurait autrement pu être une baisse abrupte. Le taux d’épargne des particuliers s’est établi à 5,7 % du revenu personnel disponible au troisième trimestre de 2022, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de 2,3 % de 2015 à 2019. L’épargne excédentaire accumulée durant la pandémie continue donc de s’accroître. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont accordé un soutien au revenu, en particulier aux Canadiens à faible revenu, en étendant l’aide offerte durant la pandémie à l’inflation.
- Les marchés de l’habitation continueront de se détériorer étant donné que les taux hypothécaires de cinq ans sont passés de 3,2 % à la fin de 2021 à 5,9 % en 2022. Les prix des logements ont déjà baissé, mais ils se maintiennent près de leurs niveaux de 2019 et pourraient bénéficier d’un certain soutien des niveaux élevés d’immigration qui devraient aider maintenir la demande de logements élevée dans un contexte de diminution de l’offre. Même si la récession mondiale réduit la demande pour les exportations canadiennes, la vigueur des prix des matières premières soutiendra le revenu national grâce à des termes de l’échange plus élevés. Les dépenses en immobilisations des entreprises stagneront, mais, conformément à nos perspectives à long terme, elles devraient s’améliorer au cours du prochain cycle.
- L’économie canadienne a surpassé les attentes en 2022, ce qui a permis de commencer 2023 sur une note positive. Mais une analyse approfondie permet de constater que la demande intérieure se contracte en raison de la baisse de la consommation et des investissements. La pleine force de la hausse des taux hypothécaires et des taux d’emprunt à la consommation est probablement non linéaire, et les ménages pourraient réduire leurs dépenses encore beaucoup plus. Les risques pour les perspectives sont à la baisse. Par ailleurs, un certain nombre de facteurs, notamment la répartition des exportations canadiennes, les partenariats commerciaux et, surtout, les données démographiques, semblent indiquer que le Canada pourrait bien se ragaillardir au cours du prochain cycle (voir Perspectives de décembre).

États-Unis : une consommation irrépressible
- Les États-Unis représentent l’une des inconnues les plus importantes de l’économie mondiale parce qu’il est encore difficile de dire jusqu’où la Fed devra resserrer son taux directeur avant que l’inflation puisse être maîtrisée. La croissance n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour ralentir par rapport à un rythme anémique d’environ 0,2 % en 2022 et, selon les chiffres, elle connaîtra deux années consécutives de faiblesse. Le ralentissement de l’an dernier est en grande partie attribuable à la faiblesse du commerce international, mais la demande intérieure a été suffisamment forte. Les dépenses de consommation sont soutenues par la réduction de la dette et des coûts de service de la dette par rapport aux niveaux d’avant la crise financière mondiale, malgré la récente hausse des taux d’intérêt, et par l’accroissement de l’épargne excédentaire. Même si les dépenses de services ont tenu le coup, certaines composantes des dépenses de consommation sensibles aux taux d’intérêt se sont contractées. Le volume des reventes de logements a chuté d’un tiers par rapport à ses sommets, en partie en raison de la structure du marché hypothécaire où les taux d’intérêt bas ont été bloqués à long terme, et tout changement oblige à contracter un nouveau prêt hypothécaire à un taux courant de plus de 7 %.
- Une question clé est de savoir si le ralentissement aux États-Unis sera suffisant pour contenir l’inflation. Étant donné que l’inflation actuelle est principalement attribuable aux prix des services, à l’exclusion des coûts des logements, et, de façon critique, compte tenu de l’importance des salaires, le présent cycle dépend jusqu’à quel point les marchés du travail devront fléchir pour que les salaires cadrent avec les cibles d’inflation. L’histoire nous enseigne qu’il faut une hausse d’au moins un pourcent du taux de chômage pour entraîner une récession. Même si la croissance absolue de l’emploi et le nombre d’heures travaillées sont restés stables jusqu’ici, l’écart entre les postes vacants et les travailleurs disponibles a été historiquement important, atteignant près de 6 millions, soit environ 4 fois le niveau d’avant la pandémie; les taux de départs demeurent élevés en raison de la concurrence sur le marché. Compte tenu de la vigueur inhabituelle de la demande de main-d’œuvre au cours du présent cycle, la Fed semble avoir encore beaucoup de travail à faire et accordera la priorité aux données du marché de l’emploi afin de déterminer à quel moment elle pourra interrompre son cycle de hausses. Les risques de baisse augmenteront avec la vigueur actuelle du marché de l’emploi.

Union européenne : stagflation et rééquilibrage de l’offre énergétique
- La zone euro sera la seule région susceptible de connaître une stagflation. La croissance ralentira par rapport à une année 2022 meilleure que prévu, qui a été soutenue par de l’aide budgétaire et une accumulation du stockage de gaz. Les gouvernements ont offert une certaine protection contre les prix élevés de l’énergie en ayant recours à une combinaison de réductions d’impôt, de subventions énergétiques et de mesures de soutien du revenu, avant de finalement adopter des plafonds de prix directs. Il y aura encore des mesures de soutien budgétaire, mais elles seront limitées étant donné que les déficits publics en France, en Italie et en Espagne dépassent déjà 4 % du PIB. Les principaux indicateurs et la confiance des consommateurs et des entreprises montrent que l’économie de la zone euro se contracte. En aval, toute reprise sera probablement faible. La baisse de l’offre d’énergie a ralenti la production industrielle, et les prix élevés de l’énergie ont réduit le revenu réel des ménages. Les marchés de l’emploi, toutefois, sont positifs et restent généralement serrés; le taux de chômage se situe à un creux record de 6,6 %.
- L’inflation était déjà plus élevée dans la zone euro que dans presque toutes les économies des marchés développés dans le monde. L’inflation globale a atteint un sommet de 11 %, et les principaux pays de la zone euro ont continué d’afficher des taux d’inflation élevé importants au quatrième trimestre de l’an dernier. À l’inverse de l’IPC élevé observé dans d’autres pays, la flambée des prix des aliments et de l’énergie a été la principale force motrice de l’IPC global, qui représente près de 70 % de l’augmentation. Ces deux facteurs ont ralenti vers la fin de 2022, mais ils pourraient encore afficher des hausses surprises en raison des chocs de l’offre. La faiblesse de l’euro laisse entrevoir des prix plus élevés à l’importation. Malgré un important ralentissement économique, l’inflation globale et l’inflation de base devraient rester dans une fourchette de 5 % à 9 %, bien au-dessus de la zone de confort de la BCE. Les attentes inflationnistes risquent de ne plus être ancrées, ce qui pourrait entraîner de fortes pressions à la hausse sur les salaires. Les perspectives demeurent fragiles dans la région.

Chine : il faudra du temps pour régler tous les problèmes
- Pour la première fois en 40 ans, la Chine pourrait afficher une croissance inférieure à celle du monde en 2022, car l’activité est entravée par l’issue d’un tumulte de deux ans. En 2021, le gouvernement a apporté des changements structurels décisifs au secteur technologique chinois, à l’éducation à but lucratif et à la dette excédentaire dans le secteur bancaire parallèle. Cette situation a été suivie d’une longue période de confinement due à la COVID et d’une correction immobilière. À la mi-novembre 2022, la Chine a mis fin à sa politique zéro COVID et elle est en transition vers une situation endémique. Comme ce fut le cas pour d’autres réouvertures, le processus sera probablement difficile et aggravé par la capacité limitée des hôpitaux et la baisse des taux de vaccination de la population âgée. Néanmoins, l’activité en Chine devrait rebondir en 2023, mais probablement pas avant au moins le deuxième trimestre puisque la réouverture entraînera d’abord une hausse des hospitalisations et une mobilité prudente avant une normalisation complète. Même si les consommateurs n’ont pas bénéficié du même soutien budgétaire que dans d’autres pays et que « le magasinage et les voyages de revanche » ont été limités, ils ont augmenté leur coussin de sécurité, ce qui devrait permettre un rebond des ventes au détail.
- Le deuxième problème de la Chine est la crise de liquidité à laquelle font face les promoteurs immobiliers privés, qui a été exacerbée par la forte baisse des ventes de logements neufs, habituellement utilisées pour financer de nouveaux projets. La confiance des acheteurs est faible. La réduction de l’endettement dans le secteur immobilier s’étalera sur plusieurs années, ce qui finira par réduire l’instabilité financière à long terme, non sans un rajustement douloureux.
- À plus long terme, la nouvelle relation stratégique entre les États-Unis et la Chine, y compris la limitation des contrôles des échanges commerciaux et des semi-conducteurs, transformera les exportations (baisse) et les investissements des entreprises nationales (hausse). La croissance la plus faible en 40 ans est le coût économique à court terme du repositionnement mondial à long terme. La politique pourrait s’assouplir, mais modérément et de façon ciblée. La Chine ne favorisera plus l’expansion contracyclique de l’économie mondiale.

Inflation
- Après 40 ans de décélération de l’inflation, y compris les craintes d’une déflation pure et simple au cours des dernières années, 2021 a montré que l’inflation peut être générée avec suffisamment de mesures de relance budgétaire et de croissance de la masse monétaire. En 2022, nous avons appris que l’inflation pourrait durer plus longtemps une fois que les attentes ne seront plus ancrées, comme l’ont démontré certains sondages menés auprès des consommateurs et des entreprises. En ce début d’année 2023, l’inflation a atteint un sommet dans le monde, et elle continuera de diminuer au cours des prochains mois.
- Dans notre horizon prévisionnel, l’inflation mesurée par l’IPC global aux États-Unis et au Canada tombe sous la barre des 4 %. Une grande partie du travail facile sera accompli par les prix des biens (qui ont déjà reculé de 0,4 % par rapport au mois précédent dans le dernier communiqué sur les États-Unis), après le renversement des effets inflationnistes de l’engorgement des chaînes d’approvisionnement. Les coûts des logements, même s’ils accusent un retard par rapport aux fluctuations réelles des prix des logements et des loyers, se répercuteront sur l’IPC d’ici un an environ et, par ricochet, contribueront également à atténuer l’inflation globale. Toutefois, le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné que la catégorie la plus importante dans les perspectives d’inflation sera les prix des services de base, à l’exclusion des coûts des logements. Cela représente plus de la moitié de l’indice des dépenses de consommation personnelles. Cette catégorie dépend essentiellement des salaires, qui représentent le coût le plus élevé de la prestation de ces services. Les salaires demeurent élevés et ne montrent que peu de signes d’assouplissement.
- Dans l’ensemble, les prix de base ralentiront, en particulier aux États-Unis, où les indices de base moyens et médians de l’IPC sont revenus entre 6 % et 7,5 % seulement au cours des trois derniers mois. Par ailleurs, l’inflation de base moyenne et médiane du Canada, qui a été réduite, augmente actuellement de 2,9 % à 3,2 % sur une base trimestrielle annualisée, ce qui témoigne de la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt élevés. L’inflation dans la zone euro a été l’une des plus élevées au monde, progressant de 10,6 % sur 12 mois en octobre. En plus du choc positif de la demande que le reste du monde a connu, elle fait face à un choc négatif de l’offre.
- La normalisation après une inflation élevée prend habituellement des années, et non des mois. Les bilans des consommateurs et les marchés de l’emploi sont généralement solides. Dans l’ensemble, les risques d’inflation sont orientés à la hausse, et la lutte contre l’inflation prendra encore un certain temps. Selon nous, la Banque du Canada et la Fed continueront de relever leurs taux directeurs jusqu’à ce qu’ils atteignent 4,5 % et 5 % respectivement, et elles les maintiendront à ces niveaux pendant une bonne partie du reste de l’année.

Risques pesant sur les perspectives
1. L’inflation se fait persistante et les marchés de l’emploi demeurent vigoureux
- La persistance de l’inflation représente un risque important pour nos perspectives. Comme nous l’avons déjà mentionné, le président Powell a déclaré que l’accent était mis sur les prix des services de base, exclusion faite des coûts des logements, ce qui signifie que la croissance des salaires demeure cruciale. La Banque fédérale de réserve de San Francisco estime que le taux de chômage naturel pourrait être d’environ 6 %, ce qui est nettement supérieur au taux actuel de 3,5 %. Si l’on ajoute à cela d’autres mesures comme les taux de départs, les demandes d’assurance-chômage et le ratio des postes vacants par rapport aux travailleurs disponibles, il est clair que les marchés de l’emploi sont actuellement très serrés. Cela représente un défi de taille pour les banques centrales, qui pourraient devoir maintenir leur politique de resserrement plus longtemps qu’elles ne le souhaitaient. Pour ce faire, il faudra un ralentissement plus marqué de l’économie mondiale où un plus grand nombre de pays seront plongés dans une récession plus profonde.
- La persistance de la guerre et les tensions géopolitiques pourraient entraîner une remontée des prix des matières premières. La Chine pourrait également connaître une réouverture plus rapide que prévu, ce qui entraînerait une forte reprise de la consommation. À l’échelle mondiale, les attentes d’inflation pourraient demeurer élevées, ce qui représente un risque de hausse de l’inflation réelle.
2. Les pressions déflationnistes émergent plus rapidement en l’absence d’une récession
- Les taux d’intérêt élevés ont une incidence différente sur les pays compte tenu non seulement des niveaux d’endettement absolus, mais aussi de la structure, de la durée et de la distribution de la dette. La gamme des types de prêts hypothécaires, par exemple, s’étend des taux largement variables en Australie, au Royaume-Uni et en Espagne aux taux fixes majoritaires à 30 ans aux États-Unis. Même si les prêts hypothécaires canadiens sont généralement assortis d’une échéance fixe de cinq ans, la période de taux d’intérêt historiquement bas plus récemment, qui a entraîné une appréciation rapide des marchés de l’habitation, a été caractérisée par une proportion inhabituellement élevée de nouveaux prêts hypothécaires (un peu plus de la moitié) à taux variable. Il ne fait aucun doute que le Canada se démarque en ce qui a trait à la dette par rapport aux revenus et aux coûts globaux du service de la dette, mais le pire des effets de la hausse des taux d’intérêt a été atténué par les règles prudentes antérieures des prêts hypothécaires et la prudence généralisée du secteur de la consommation. Néanmoins, les risques liés aux taux d’intérêt élevés pour les consommateurs sont particulièrement élevés, surtout si le chômage bondit. Même si nous croyons que le risque d’une crise du logement entraînant des liquidations forcées est faible, ce scénario entraînerait un ralentissement plus prononcé au Canada et une désinflation plus rapide.
- Dans les Prévisions de l’an dernier, nous avons souligné que l’accumulation des stocks représente un risque pour les entreprises qui sont aux prises avec une offre limitée, qui font face à une concurrence féroce pour les ressources limitées (y compris la main-d’œuvre) et qui sont en train d’accumuler des réserves. Certains signes de cette reconstitution des stocks sont apparus vers la fin de l’année dernière, les chaînes d’approvisionnement s’étant considérablement assouplies et les niveaux de stocks ayant augmenté au Canada et aux États-Unis. Ensemble, ces facteurs ont incité à réduire les prix pendant la période des Fêtes. Les dépenses de consommation devraient diminuer en raison de la hausse des taux d’intérêt, ce qui exercera des pressions à la baisse sur les prix de détail.
- Même si une explosion des dépenses en immobilisations entraînait une inflation à court terme en raison de la concurrence pour les ressources, à long terme, cela pourrait entraîner une désinflation. L’innovation technologique pourrait être un résultat positif du cycle des dépenses en immobilisations et contribuer à atténuer les pressions inflationnistes futures découlant des pénuries de main-d’œuvre ou des goulots d’étranglement de l’offre. Les gains de productivité connexes contribueront à améliorer la production potentielle, ce qui permettra aux économies de croître plus rapidement sans générer d’inflation. Il s’agit d’un risque à moyen terme.

Valorisation
VALORISATIONS : une croissance négative des bénéfices en 2023
- Les bénéfices des sociétés ont continué d’augmenter en 2022, mais le rythme de la croissance a ralenti tout au long de l’année, en parallèle avec un ralentissement de la croissance économique et une augmentation de la probabilité d’une récession. Pourtant, la résilience des marchés de l’emploi et des consommateurs, dont le bilan s’est amélioré, a permis à la demande de rester forte, même si les entreprises ont relevé leurs prix pour compenser la hausse des coûts.
- Dans la perspective de 2023, la croissance des bénéfices des sociétés devrait se détériorer davantage et se contracter , ce qui indique une situation de récession, et, par conséquent, les ventes devraient se dégrader. Toutefois, comme nous ne nous attendons pas à une récession profonde et prolongée, la contraction des bénéfices devrait être assez modérée et s’améliorer dans la dernière partie de l’année, car les pressions inflationnistes finiront par s’atténuer. Le résultat net sera une croissance négative des bénéfices en 2023.
- Les marges bénéficiaires ont atteint un sommet au début de 2022 et nous prévoyons une nouvelle contraction des marges en 2023, en particulier dans la première moitié de l’année. Le levier d’exploitation négatif aura une incidence négative sur les marges. Lorsque l’inflation ralentit et que la demande diminue, les sociétés ne peuvent pas réduire leurs coûts aussi rapidement qu’elles doivent baisser leurs prix. Cela continuera de peser sur les marges, mais il y aura des compensations à mesure que les marchés de l’emploi s’assoupliront et que les chaînes d’approvisionnement s’amélioreront.
- Aux États-Unis, nous prévoyons que l’indice S&P 500 affichera une contraction de -6,0 % du bénéfice par action (BPA) annuel en 2023. Le Canada est moins exposé à la volatilité des bénéfices des sociétés technologiques. Toutefois, la demande de pétrole devait diminuer en raison de la détérioration de l’activité économique. Étant donné l’importance du prix de pétrole sur l’indice composé S&P/TSX (TSX), nous prévoyons une contraction du BPA de -6,0 %. Nos prévisions pour les États-Unis, à 205 $ l’action en 2023, et pour le Canada, à 1 400 $ l’action en 2023, sont légèrement inférieures aux prévisions consensuelles de 230 $ US et de 1 595 $ CA respectivement.

VALORISATIONS : les ratios doivent faire face à des pressions à la baisse
- Les ratios de valorisation se sont fortement contractés en 2022 en raison du resserrement des conditions financières (hausse des taux d’intérêt), de l’inflation élevée, du ralentissement de la croissance économique et des chocs géopolitiques. Nous croyons que la prime de risque des actions demeure trop faible en raison de l’incertitude économique. Par conséquent, les ratios cours/bénéfice (C/B) risquent de subir des pressions en 2023, surtout aux États-Unis, où le ratio C/B demeure supérieur à sa moyenne historique. Toutefois, les principaux facteurs qui pesaient sur les ratios en 2022 devraient commencer à s’inverser dans la dernière partie de 2023 (décélération de l’inflation et adoucissement du ton des autorités monétaires) et ainsi permettre aux ratios C/B de se stabiliser. Le Canada a connu une contraction plus importante des ratios de valorisation en 2022 par rapport aux États-Unis, et nous prévoyons une normalisation plus prononcée plus tard dans l’année. Ceci entraînera une augmentation des ratios de valorisation, bien que l’année se terminera sous la moyenne à long terme. À l’extérieur du Canada, nous nous attendons à ce que les ratios C/B demeurent inchangés ou diminuent légèrement à la fin de l’année, même si la trajectoire ne sera pas linéaire.
- Notre estimation de fin d’année pour l’indice S&P 500 est de 4150, fondée sur une amélioration des prévisions de bénéfices en 2024 après une année 2023 difficile, et sur un ratio C/B prévisionnel relativement inchangé par rapport au niveau actuel. Concernant l’indice TSX, nous prévoyons un ratio C/B plus élevé par rapport aux niveaux de fin d’année 2022, ce qui se traduira par un niveau d’indice de fin d’année d’environ 21 850. Nos cours cibles supposent un rendement positif aux États-Unis et au Canada par rapport aux niveaux de fin d’année, le Canada étant le plus performant.
- Les valorisations boursières se sont contractées à l’échelle mondiale. Les ratios C/B de l’EAEO (Europe, Australasie et Extrême-Orient) et des marchés émergents sont maintenant inférieurs aux moyennes historiques. Les problèmes d’approvisionnement en Europe, qui alimentent une inflation toujours plus élevée, ont incité la Banque centrale européenne à décréter des hausses de taux d’intérêt et à adopter une politique monétaire restrictive. Les marchés émergents ont été affaiblis par la politique zéro COVID de la Chine. Une réouverture pourrait relancer l’économie. De plus, les autorités chinoises ont annoncé des mesures de relance ciblées. Dans un contexte où le dollar américain atteint des sommets et où la réouverture de la Chine a une incidence positive, nous sommes optimistes à l’égard des marchés émergents pour la deuxième moitié de 2023.

VALORISATIONS : les obligations affichent une plus juste valeur
- Depuis la crise financière mondiale, la politique monétaire ultra-expansionniste a fait chuter les taux obligataires. Par conséquent, les obligations ont été chères pendant plus d’une décennie. Tout cela a pris fin en 2022. Des mesures de relance monétaire et budgétaire excessives adoptées en réponse à la pandémie de la COVID-19 en 2020 ont alimenté l’inflation la plus élevée depuis des décennies. Cette situation a incité les autorités monétaires à resserrer leur politique de façon vigoureuse (en jouant sur la fréquence et l’ampleur) jusqu’en 2022, ce qui a entraîné une hausse importante des taux obligataires. Cette décision a été si marquante qu’au début de 2023, le montant total des titres de créance à rendement négatif en circulation, qui avait atteint un sommet de 18 400 milliards de dollars américains en 2020, a été éliminé. Par rapport aux faibles taux obligataires qui ont caractérisé la période qui a suivi la crise financière mondiale, les obligations offrent maintenant un rendement réel positif, à un moment où l’inflation recule, avec un placement sûr qui fait concurrence aux actifs plus risqués. Bref, les obligations ne sont plus chères par rapport aux dix dernières années. La hausse des taux obligataires devrait persister jusqu’à ce que les autorités monétaires déterminent leur taux final. Toutefois, la légère récession attendue en 2023 devrait créer des pressions à la baisse sur les taux obligataires, surtout dans le segment à court terme de la courbe.
- Le taux des obligations canadiennes d’une échéance à 10 ans a augmenté de 1,85 % en 2022 pour terminer l’année à 3,33 %. Selon nous, les forces à long terme devraient maintenir les taux obligataires à un niveau structurellement plus élevé que dans l’histoire récente, mais un ralentissement économique et une décélération de l’inflation en 2023 laissent entrevoir une certaine pression à la baisse par rapport aux niveaux actuels au cours des 12 prochains mois. Dans l’ensemble, les structures de taux d’intérêt plus élevés pourraient entraîner des rentrées de fonds, car les investisseurs recherchent des sources de revenus sûres et attrayantes. Il faut également tenir compte de facteurs techniques qui vont à l’encontre de la baisse des taux. Les banques centrales sont maintenant passées au resserrement quantitatif, une politique de contraction qui réduit l’actif figurant au bilan d’une banque centrale (dans ce cas‑ci, en conservant les obligations jusqu’à échéance, plutôt qu’en les vendant activement). Comme le resserrement quantitatif a retiré du marché un important acheteur d’obligations, cela réduit la demande pour les obligations. Cette tendance se poursuivra en 2023.
- L’indice obligataire universel FTSE Canada a reculé de 11,69 % en 2022 et a ainsi enregistré sa pire perte annuelle depuis 1980. C’était la première fois que l’indice enregistrait des rendements négatifs pour deux années consécutives. Après une année très difficile, les perspectives des obligations se sont améliorées en 2023. Nos attentes quant à une certaine pression à la baisse sur les taux des obligations d’État, contrebalancée par un élargissement des écarts de crédit des obligations de sociétés (lorsque une récession déclenche un cycle de défaillances), laissent entrevoir une légère baisse des taux pour 2023. Nous nous attendons à ce que l’indice obligataire universel FTSE Canada enregistre un rendement de +2,0 % à +5,0 % en 2023.

Stratégie et composition de portefeuille
Bon nombre des facteurs qui ont entraîné des rendements négatifs pour les actions et les obligations en 2022, notamment l’inflation élevée, le resserrement des conditions financières et le ralentissement de l’activité économique, sont encore présents au début de 2023. Le contexte macroéconomique laisse entrevoir un nouveau ralentissement économique, de même que de nouvelles hausses de taux et une réduction continue de la liquidité. Toutefois, comme certains signes montrent que l’inflation pourrait avoir atteint son sommet et comme la Fed et la Banque du Canada en sont aux dernières étapes de leurs cycles de hausses de taux, nous ne nous attendons pas à une répétition des rendements décevants de l’an dernier. Les marchés boursiers et obligataires ont été ébranlés en 2022 en raison du choc historique des taux d’intérêt causé par une politique monétaire musclée. Même si les banques centrales peuvent encore relever les taux d’intérêt, l’ampleur et l’urgence ne seront pas aussi extrêmes.
Cependant, l’activité économique devrait se détériorer au cours de l’année, car nous nous attendons à ce qu’une récession survienne au milieu de 2023. Dans un scénario de récession modérée (notre scénario de base), nous nous attendons à ce qu’un repli soit plus court que les récentes contractions, en raison de la solidité des bilans des consommateurs et des marchés de l’emploi. Toutefois, les marchés boursiers devraient subir des pressions à la baisse, surtout au cours de la première moitié de l’année, car la plupart des banques centrales maintiendront leurs politiques restrictives malgré le ralentissement de l’économie. Une reprise devrait suivre plus tard dans l’année, quand les conditions propices à une stabilisation de l’économie s’installeront.
Nous estimons que les valorisations boursières continueront de subir de modestes pressions à la baisse, étant donné que les taux d’intérêt et l’inflation demeurent élevés et que les conditions propices à un creux du marché boursier ne sont pas présentes. Les marchés boursiers ne reflètent pas la baisse des bénéfices habituellement associée à une récession. La dernière partie de l’année devrait favoriser les actions, car la faiblesse marquée de l’économie et la baisse de l’inflation qui en résultera devraient donner lieu à des prévisions de réductions de taux par les banques centrales et, surtout, aux premières étapes d’une reprise économique. Sur le plan géographique, nous nous attendons à ce que les marchés développés et émergents enregistrent des rendements similaires au début de la récession parce que la réouverture relativement rapide de la Chine présente un certain risque de hausse. Nous nous attendons à ce que les marchés émergents enregistrent des rendements supérieurs durant la reprise, grâce à l’élan positif que leur procurera la réouverture de la Chine et à un dollar américain susceptible de s’affaiblir quelque peu à mesure que la Fed ralentit le relèvement des taux.
Les actions à petite capitalisation ont tendance à présenter un risque lié aux bénéfices plus élevé à l’approche d’une récession et sont de nature plus cyclique que les actions à grande capitalisation, même si elles présentent des valorisations plus attrayantes en ce début de l’année. Les actions à grande capitalisation affichent généralement un profil de bénéfices plus stable que les actions à petite capitalisation, mais elles sont également assez concentrées dans le secteur de la technologie aux États-Unis, où l’impact des taux d’intérêt élevés est le plus ressenti et où les valorisations devraient encore diminuer. Par conséquent, les petites capitalisations semblent plus attrayantes car leurs valorisations reflètent déjà une probabilité plus élevée de récession que les grandes capitalisations.
Les actions canadiennes devraient continuer de tirer avantage de la composition de l’indice composé S&P/TSX (TSX), grâce à une pondération relativement élevée des titres des secteurs de l’énergie et des matériaux qui se comportent bien dans un contexte inflationniste (mais dans une moindre mesure par rapport à 2022) et à une exposition moins importante au secteur des technologies, par rapport aux actions américaines. De plus, le Canada a amorcé son cycle de relèvement des taux plus tôt que les autres pays développés et semble maintenant prêt à délaisser les hausses de taux d’intérêt avant les autres. Même s’ils ne sont pas suffisants pour surmonter une récession mondiale, ces facteurs devraient donner lieu à un rendement supérieur pour l’indice S&P/TSX par rapport à l’indice S&P 500. À l’extérieur du Canada et des États-Unis, les actions des marchés développés connaîtront également des difficultés à court terme, au moment où nombre d’économies avancées entrent en récession.
Les valorisations du marché obligataire semblent nettement plus favorables aujourd’hui qu’au début de 2022, après la flambée des taux d’intérêt. Même si la trajectoire vers ces niveaux de taux d’intérêt a été difficile, les marchés des titres à revenu fixe offrent maintenant un rendement inégalé depuis les années 2000. Les nouvelles pressions à la hausse sur les taux obligataires devraient être limitées, et les taux devraient diminuer en période de récession. La répartition de l’actif des portefeuilles équilibrés continuera de sous-pondérer les actions par rapport aux cibles de l’indice de référence et, dans une moindre mesure, ce sera également le cas pour les obligations. Cette situation persistera jusqu’à ce que la conjoncture économique se détériore et que les marchés reflètent mieux cette réalité.
Rendements des catégories d’actif
- Selon notre scénario de base, le taux des obligations du gouvernement du Canada d’une échéance à 10 ans diminuera modérément au cours de l’année, bien que nous nous attendions à ce qu’il oscille entre 2,6 % et 3,5 %. Les facteurs à long terme et les réactions prudentes des banques centrales (qui ne veulent pas assouplir trop rapidement la politique monétaire pour éviter une remontée de l’inflation) favorisent la hausse des taux obligataires. Toutefois, les facteurs cycliques devraient dominer dans un contexte de ralentissement de la croissance, ce qui entraînera une diminution des taux des obligations gouvernementales, et un élargissement des écarts de crédit, par rapport aux niveaux actuels. Par conséquent, nous nous attendons à ce que le rendement total de l’indice des obligations universelles FTSE Canada se situe entre +2 % et +5 %, par rapport au taux de rendement courant de 4,25 %.
- Malgré la détérioration des perspectives économiques, nous prévoyons des rendements positifs des marchés boursiers en 2023, bien que nos perspectives à court terme ne sont pas optimistes. Les revenus des sociétés ainsi que les marges devraient diminuer. Nous prévoyons un rendement de +8,0 % pour l’indice S&P 500 et un rendement légèrement plus élevé, de +13,0 %, pour l’indice S&P/TSX par rapport aux niveaux de fin d’année 2022. Les actions des marchés émergents, en particulier celles de la Chine, présentent certains facteurs favorables et les actions à petite capitalisation ont pris en compte une probabilité plus élevée de récession et semblent attrayantes du point de vue de la valeur relative.
- La répartition de l’actif des portefeuilles équilibrés favorise actuellement les liquidités, grâce à leur rendement plus attrayant que celui que nous observons depuis un certain temps. Les actions et les obligations sont sous-pondérées par rapport aux niveaux cibles des indices de référence (bien que la sous-pondération des obligations ait été réduite et soit plus faible que celle des actions). Du côté des actions, nous préférons les actions canadiennes aux actions mondiales.

Sélection des titres et des secteurs
- Nos perspectives sont prudentes à l’égard des marchés boursiers à court terme, étant donné que nous prévoyons un ralentissement de la croissance économique au cours des prochains mois. La réaction tardive au resserrement monétaire des banques centrales, la baisse des principaux indicateurs et le recul de l’inflation laissent entrevoir une détérioration des ventes. Les sondages menés auprès des sociétés indiquent une baisse des nouvelles commandes et une hausse des stocks. Les attentes quant aux bénéfices des sociétés sont de plus en plus pessimistes.
- Les valorisations boursières, bien qu’elles ne soient pas excessivement élevées en raison de la contraction de l’an dernier, pourraient encore diminuer. Cela est particulièrement vrai aux États-Unis où les ratios C/B actuels demeurent supérieurs à leurs moyennes historiques, mais aussi au Canada à court terme. Si l’on tient compte d’une contraction des bénéfices, les perspectives des actifs risqués dans les marchés développés pour la première moitié de l’année demeurent négatives et le profil risque-rendement des actions est orienté à la baisse.
- Par conséquent, au sein des portefeuilles d’actions, nous privilégions les sociétés qui peuvent enregistrer une croissance résiliente des bénéfices dans un contexte d’inflation à la baisse et de faible croissance. Ces sociétés sont caractérisées par de solides bilans, des liquidités élevées et des bénéfices et marges stables, et elles sont généralement plus défensives. Comme la période d’ajustement se poursuit, nous cherchons sans cesse à ajouter des sociétés de nature plus cyclique, dont les valorisations sont devenues favorables, en particulier celles qui profiteront d’un solide cycle des dépenses en immobilisations à l’échelle mondiale et de la reprise mondiale plus tard cette année.

Obligations de sociétés
- L’année a été difficile pour les obligations de sociétés, en raison surtout de la forte hausse des taux d’intérêt, mais les écarts se sont aussi élargis. Les écarts de crédit représentent une hausse d’environ 180 points de base par rapport aux obligations souveraines. Même si cet écart est supérieur à l’écart moyen à long terme, il demeure inférieur aux sommets atteints lors de la récession de 2015 et à celui d’une récession typique. Dans l’ensemble, les écarts de crédit ont surperformé les autres actifs risqués et pourraient continuer de s’élargir à mesure que les bénéfices des sociétés se détérioreront.
- La hausse des taux directeurs, une récession mondiale et, surtout, une baisse de la liquidité devraient peser sur les obligations de sociétés. Les politiques de resserrement quantitatif se poursuivront pendant une bonne partie de l’année, car nombre de banques centrales s’emploient à réduire la taille de leur bilan. Les achats de titres de créance par la Banque du Canada n’ont pas soutenu directement les obligations de sociétés et les obligations provinciales de façon importante (son message indiquant qu’elle se tenait prête à soutenir le marché a été toutefois favorable aux écarts de crédit). Néanmoins, l’achat d’obligations canadiennes a incité les investisseurs à prendre plus de risques pour une rentabilité à peine plus élevée. Il convient cependant de noter que, globalement, les taux des obligations de catégorie investissement représentent un rendement intéressant et que les valorisations semblent favorables. Néanmoins, nous ne prévoyons pas pour l’instant un resserrement important des écarts de crédit.
- Par conséquent, les portefeuilles de titres à revenu fixe sont positionnés pour commencer l’année en sous-pondérant les obligations de sociétés et les obligations provinciales par rapport à leurs indices de référence. À court terme, nous recherchons des occasions de surperformance pour les obligations dans certains des secteurs plus défensifs. Toutefois, compte tenu de la perspective risque‑rendement globale d’un nouvel élargissement des écarts de crédit compensant les rendements supplémentaires, nous rajusterons les portefeuilles afin de tirer parti du resserrement des écarts de crédit plus tard cette année, une fois que les marchés se seront davantage ajustés à la récession.

Durée et courbe des taux
- À l’échelle mondiale, les taux obligataires nominaux ont fortement augmenté, car les banques centrales ont mis fin à leurs politiques ultra-expansionnistes. Les marchés tiennent compte de nouvelles hausses de taux par la Fed et la Banque du Canada, avec une pause au deuxième trimestre de cette année. D’ici là, on s’attend à ce que la croissance économique et les pressions inflationnistes ralentissent considérablement, malgré les décalages de la politique monétaire. Les marchés s’attendent ensuite à ce que les banques centrales adoptent une politique d’assouplissement pour gérer le ralentissement en cours. Les taux obligataires atteignent généralement leur sommet vers cette période (peu avant la fin des hausses de taux). Toutefois, nous nous attendons à ce que la trajectoire des réductions de taux soit plus cahoteuse que ce à quoi les marchés s’attendent actuellement, ce qui maintiendra la volatilité des marchés obligataires à des niveaux élevés pour l’année.
- Étant donné que la hausse des taux directeurs des banques centrales a fait grimper les taux à court terme et que l’on s’attend à ce qu’une récession entraîne une baisse des taux à long terme, la courbe des taux s’est inversée et a atteint son point le plus négatif depuis le début des années 1990 (environ -1,0 % entre les taux à 2 ans et à 10 ans au Canada). À mesure que la récession s’amorcera, la courbe des taux recommencera à s’accentuer et persistera dans cette direction. Toutefois, le moment de la récession pourrait être plus tard que prévu par les participants au marché, étant donné que les PIB des États-Unis et du Canada au quatrième trimestre ont progressé beaucoup plus que prévu. Par conséquent, nous chercherons à accroître la durée et à adopter une stratégie d’accentuation de la courbe des taux pour nos placements, mais nous serons patients pour évaluer l’évolution de la situation.

Sommaire
Au cours de la dernière année, les marchés financiers ont connu une série de changements rapides par suite de la flambée des taux d’intérêt. Les catégories d’actif des marchés publics se sont ajustées aux taux d’intérêt plus élevés, et de nombreuses tendances de longue date ont changé au cours de l’année. Ce n’est pas terminé. L’année qui vient devrait être marquée par une récession synchronisée des économies des marchés développés. Même si nous sommes optimistes quant aux aspects particuliers de ce repli qui permettront une récession modérée, bien d’autres aspects reposent sur la trajectoire de l’inflation, et il existe clairement des risques de part et d’autre. De plus, les thèmes à long terme soutiennent les risques de hausse de l’inflation dans son ensemble, et le travail des banques centrales deviendra plus difficile, en particulier à mesure qu’elles chercheront à regagner leur crédibilité. Le ralentissement combiné de la croissance et de l’inflation posera un défi pour les marges des sociétés, ce qui exercera des pressions sur les bénéfices. Ce sera le principal moteur des marchés au cours de la prochaine année. Les valorisations sont devenues plus attrayantes, mais elles devraient subir des pressions à la baisse. Même si les perspectives demeurent très incertaines, nous continuons d’entrevoir des perspectives favorables, en particulier en ce qui a trait à la capacité des sociétés de grande qualité dont les bénéfices sont stables de se démarquer. Nous rajusterons notre façon de penser et le positionnement de notre portefeuille tout au long de l’année afin de tirer parti des occasions.