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Décembre 2022 Perspectives : Moment de gloire pour le Canada
14 décembre 2022

Notre pays fort et libre.
On connaît bien la situation entourant la détérioration des conditions économiques à court terme au Canada. Les Canadiens se sont entichés de l’immobilier. De fait, encouragés par les taux d’intérêt presque nuls à l’échelle mondiale, ils sont nombreux à avoir accédé à la propriété et, pour ce faire, à avoir contracté d’énormes prêts hypothécaires pour acquérir des maisons de plus en plus dispendieuses. Le ratio des ménages par rapport à leur revenu, un indice de référence couramment utilisé, a atteint 184 % au Canada, le niveau le plus élevé des pays du G7 et l’un des plus importants de tous les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Il est essentiellement attribuable au coût des logements et aux prêts hypothécaires qui y sont associés. La dette hypothécaire représente maintenant 74 % de l’ensemble des dettes des ménages, contre 62 % en 2005. La valeur des prêts autres que les prêts hypothécaires a stagné ou reculé au cours des dernières années grâce à l’argent accumulé durant la pandémie.
Pendant cette période, la proportion de nouveaux prêts hypothécaires à taux variable a augmenté, ce qui a accru l’exposition des débiteurs au risque d’augmentation des taux d’intérêt. Heureusement, les conditions d’emprunt très restrictives (mesures macroprudentielles) instaurées ces dernières années, selon lesquelles les acheteurs doivent être en mesure d’absorber une hausse de 2 points de pourcentage des taux d’intérêt au-delà du taux hypothécaire à 5 ans affiché, ont permis aux ménages de composer avec les hausses des taux d’intérêt. Or, pour les prêts hypothécaires dont le renouvellement est prévu au cours de la prochaine année et ceux assortis d’un taux variable, qui représentent 52 % de l’encours des emprunts hypothécaires selon nos estimations, les montants à rembourser bondiront.
Selon les dernières données disponibles de 2019, un peu moins des deux tiers des Canadiens sont propriétaires et, de ce nombre, seulement 55 % ont un prêt hypothécaire. Si l’on tient compte de l’ensemble des facteurs, les répercussions devraient être moindres que ce que les manchettes laissent croire. Les auteurs d’une récente étude publiée par une grande banque ont estimé à environ 1 % du revenu total disponible les répercussions ascendantes sur le service de la dette attribuables aux hausses de taux d’intérêt et au choc négatif cumulatif, et ce, même en supposant des taux plus élevés que ceux en vigueur au moment de l’analyse. Soulignons qu’il s’agit d’un taux inférieur au taux d’épargne des particuliers qui s’élevait à 5,7 % dans l’ensemble au dernier trimestre. De toute évidence, ce n’est pas tout le monde qui sera touché de la même manière et certains éprouveront plus de difficulté à s’ajuster. Il est également difficile d’estimer les effets des hausses de taux sur les dépenses, même s’ils ont comme objectif de ralentir les dépenses des secteurs de l’économie qui y sont sensibles. Néanmoins, précisons que, dans l’ensemble, les conséquences pourraient être moins mauvaises que ce qu’on aurait pu le croire au départ. En particulier, compte tenu des niveaux élevés d’épargne excédentaire et de création d’emplois.
Quelle direction prendra le Canada?
Commençons par souligner les atouts du pays :
- Premièrement, il occupe une position favorable en ce qui a trait à de nombreux indicateurs sur le plan des libertés individuelles et économiques.
- Deuxièmement, il est riche en ressources naturelles dont la valeur à l’exportation s’est appréciée par rapport à celle des importations.
- Finalement, il est situé à proximité de la première économie mondiale.
Non seulement le pétrole et le gaz naturel comblent-ils des besoins temporaires en approvisionnement d’énergie, mais la demande de métaux profite également de la révolution verte qui s’opère en matière d’énergie. Par ailleurs, même si la superficie des terrains qui peut être convertie pour être cultivée est limitée à court terme, nous pouvons faire une différence puisque nous faisons partie des plus grands pays producteurs d’engrais à base de potassium et d’azote. Parmi les produits de base qui font l’objet d’une importante demande, mentionnons le bois, la pâte et le poisson.
La démographie est sans doute l’un des facteurs économiques qui auront une forte incidence sur les perspectives à moyen terme. Le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une diminution du nombre de travailleurs disponibles, comme c’est le cas ailleurs, mais la situation comporte plusieurs avantages.
- De fait, le taux de participation au marché du travail est en progression au Canada et demeure plus élevé que celui aux États-Unis (voir le graphique 1). Selon une analyse menée par la Banque fédérale de réserve de San Francisco, les femmes en âge de travailler représentaient environ les trois quarts de l’écart entre les deux pays en raison des politiques plus avantageuses en matière de maternité.
- Les cibles d’immigration ont été mises à jour à la fin du mois d’octobre et le nombre de nouveaux immigrants a été relevé pour passer à 465 000 en 2023 et à 500 000 d’ici 2025. Cette augmentation surpasse celle des autres pays du G7 en termes absolus, même en tenant compte de la plus petite population. Les immigrants proviendront en majorité de la catégorie économique et devraient trouver facilement un emploi dans des secteurs où il y a pénurie de main-d’œuvre.
- Les autres économies développées doivent composer avec une diminution de leur population de travailleurs dans la force de l’âge. La vaste majorité des immigrants qui sont accueillis au Canada font partie de la cohorte des 25 à 54 ans (voir les graphiques 2 et 3), un groupe qui aura une incidence positive sur l’assiette fiscale, les dépenses de consommation et les marchés du logement.
Tout cela augure bien au chapitre du potentiel de production de notre économie, contribuant à accélérer le rythme auquel l’économie peut croître sans alimenter l’inflation.
Graphique 1 : Fort taux de participation au Canada
Taux de participation au marché du travail pour la population âgée de 25 à 54 ans
Graphique 2 : Solide profil démographique
Population de 25 à 54 ans
Graphique 3 : Pyramide des âges pour les immigrants récents et l’ensemble de la population, Canada, 2021

Source : www150.statcan.gc.ca
Est-il avantageux d’investir au Canada?
Ces facteurs sont tous encourageants pour les perspectives macroéconomiques au Canada et nous croyons que les investisseurs profiteront également de la situation favorable. De fait, en cette année marquée par des baisses inhabituelles des prix sur les marchés des actifs, le Canada s’est révélé comme une valeur refuge. L’indice composé S&P/TSX (indice TSX) a limité son recul à 1 % au cours des 11 premiers mois de l’année, surpassant les marchés américains et mondiaux, qui ont fléchi de 6,7 % et de 8,4 %, respectivement, en dollars canadiens, et ce, malgré la faiblesse du dollar. Or, malgré ce rendement supérieur, les valorisations y sont plus attrayantes que dans les autres marchés (voir le graphique 4). Le récent cycle de taux exceptionnellement faibles alimenté par les liquidités a fait grimper les valorisations des actions de croissance de longue durée à des niveaux insoutenables. Les actions des sociétés technologiques à mégacapitalisation se sont classées parmi celles qui ont été particulièrement plombées par la chute des marchés boursiers.
Graphique 4 : Évaluation attrayante des actions canadiennes par rapport aux actions américaines
À court terme, la composition du marché boursier canadien, l’indice TSX est un facteur favorable. Le Canada est plus exposé que d’autres pays aux secteurs qui tirent leur épingle du jeu dans un contexte inflationniste. Environ 30 % de l’indice TSX est exposé aux produits de base qui ont tendance à mieux se comporter en période d’inflation élevée. La part occupée par les technologies se maintient autour de 5 %, ayant à peine augmenté au cours des 15 dernières années. La transition vers des sources d’énergie propre favorisera également les investissements dans des sociétés d’énergie renouvelable ainsi que dans des entreprises qui participent à la transition énergétique, comme les producteurs de cuivre.
Enfin, notons que dans plusieurs secteurs d’activités, un petit nombre de grandes entreprises dominent le marché, ce qui procure une meilleure stabilité du chiffre d’affaires et des marges. Nous estimons qu’environ un tiers des sociétés qui composent l’indice TSX à l’heure actuelle font partie d’un oligopole, comme les banques, les entreprises de télécommunications et les sociétés ferroviaires (voir le graphique 5).
Graphique 5 : Exposition du S&P/TSX aux oligopoles
Sources : S&P Global et Gestion de placements CC&L
Le marché obligataire canadien, à l’instar de la plupart des autres à l’échelle mondiale, a fait piètre figure depuis le début de l’année. Ses difficultés sont en partie attribuables aux interventions plus rapides et musclées de la Banque du Canada que celles des autres banques centrales pour mettre en place leurs mesures de resserrement de la politique monétaire. De fait, la banque a été plus rapide à adopter une position neutre et maintenant restrictive. On peut s’attendre à ce que les hausses des taux tirent bientôt à leur fin, comme l’a laissé entendre la Banque dans son plus récent communiqué annonçant sa décision de relever le taux directeur de 50 points de base (pb) en décembre. Le marché obligataire affiche des taux de rendement d’environ 4 %, ce qui indique qu’il commence à retrouver l’équilibre.
Marchés financiers
La remontée des marchés s’est poursuivie en novembre, comme en témoignent les gains constants et généralisés enregistrés dans l’ensemble des catégories d’actif. Les données pointent vers un ralentissement de l’inflation, ce qui alimente l’espoir que les banques centrales mettront fin à leur cycle de hausses des taux. À la fin de novembre, le discours du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, dans lequel il affirmait que la rencontre de décembre du FOMC (Federal Open Market Committee, ou Comité de l’open market) pourrait être le moment choisi pour modérer le rythme des hausses de taux, a contribué à alimenter cet espoir. Les taux ont considérablement baissé, comme en témoignent les taux américains à court terme qui ont lâché 47 pb et les taux à 10 ans qui ont plongé de 56 pb depuis leurs sommets atteints au milieu d’octobre. Au Canada, les taux ont baissé dans une moindre mesure, mais l’inversion de la courbe a creusé un écart de -100 pb entre les taux à 2 et à 10 ans, un signal fort de détérioration des conditions économiques à venir. Les écarts de taux demeurent plutôt solides, l’indice des obligations universelles FTSE ayant grimpé de 2,81 % durant le mois.
Les actions ont grimpé en flèche. Après avoir inscrit des gains de 5,2 % en novembre, le S&P 500 affiche maintenant une progression d’environ 14 % par rapport à son creux de la mi-octobre, ce qui constitue un net changement de cap par rapport à la tangente négative qui persistait depuis le début de l’année. Par ailleurs, en plus d’un éventuel ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed, certains signes indiquent une normalisation de l’économie chinoise (avant une nouvelle recrudescence des cas de COVID). De fait, le gouvernement a annoncé son intention de vacciner les personnes âgées, ce qui a fait grimper les actions asiatiques, comme l’indice Hang Seng qui a bondi de 26,8 % en novembre. Les actions mondiales ont emprunté le même sillage et l’indice MSCI Monde tous pays a gagné 6,3 %. Malgré leur remontée des deux derniers mois, qui a été la plus vigoureuse depuis mars 2020, les actions demeurent en territoire négatif depuis le début de l’année.
Stratégie de portefeuille
Nous demeurons positifs à l’égard des perspectives à moyen et à long termes pour le Canada qui devrait se tailler une place dans les portefeuilles de titres mondiaux. À court terme, les positions ont toutefois été établies en prévision d’un ralentissement, qui non seulement devrait être de la même ampleur que celui de l’économie mondiale, mais qui est susceptible de se produire plus tôt que dans d’autres pays. Globalement, nous conservons une sous-pondération des actions ainsi qu’une
sous-pondération encore plus importante des actions mondiales par rapport à celle des actions canadiennes dans nos portefeuilles équilibrés. Nous en avons longuement discuté dans les derniers numéros de Perspectives, mais les prévisions de bénéfices des sociétés sont encore trop optimistes et n’ont pas été révisées pour tenir compte du ralentissement économique attendu. Au début du trimestre, nous avons réduit la sous-pondération des obligations que nous avions maintenue pendant la dernière année. Nous conservons cette position tout en surveillant la montée des taux obligataires. Aussi, nous maintenons la sous-pondération des obligations provinciales et de sociétés dans les portefeuilles de titres à revenu fixe canadiens. Nous conservons une approche défensive à l’égard de nos portefeuilles fondamentaux d’actions, et nous surpondérons les secteurs des services aux collectivités, de la santé et des biens de consommation de base. À long terme, les perspectives sont meilleures au Canada, à notre avis, et nous chercherons des occasions de réinvestir dans les actions canadiennes et d’augmenter le risque au cours de la nouvelle année. Nous en parlerons plus en détail dans nos Prévisions pour 2023.
D’ici là, de la part de toute l’équipe de CC&L, nous vous souhaitons de passer de joyeuses Fêtes en famille!
Source : MSCI. L’information de MSCI peut être utilisée à des fins internes seulement et ne peut être ni reproduite ni redistribuée sous quelque forme que ce soit, et elle ne peut pas servir de fondement ou de composante d’un instrument, d’un produit ou d’un indice financier. MSCI ne donne aucune garantie explicite ou implicite à l’égard des données MSCI contenues dans les présentes, ne donne aucune garantie et ne fait aucune déclaration implicite à cet égard, et n’aura aucune responsabilité s’y rapportant. MSCI n’a ni approuvé, ni examiné, ni rédigé le présent rapport.