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Perspectives de juillet 2023 : Comment pouvons-nous interpréter la résilience du marché de l’habitation?

12 juillet 2023

Rangée de maisons modernes à Vancouver BC, Canada

L’habitation EST le cycle économique – Document de travail du NBER, septembre 2007

Les banques centrales commencent à redémarrer et à accélérer leurs cycles de resserrement monétaire. La Banque du Canada (BdC) a surpris les marchés en augmentant de nouveau les taux d’intérêt de 25 points de base (pb) en juin. Dans le Résumé des délibérations de la BdC, il y a un débat animé sur les raisons derrière la résilience inhabituelle des dépenses de consommation. Le Conseil des gouverneurs discute du rôle de l’épargne excédentaire, de la forte croissance de l’emploi et de la population, et même des facteurs statistiques, comme la désaisonnalisation.

Il convient de noter qu’un document datant de 2007 du National Bureau of Economic Research (NBER) donne à penser que l’investissement résidentiel est le meilleur indicateur précoce d’une récession imminente. Si cela est toujours valable aujourd’hui, il semblerait que nous soyons actuellement dans une phase de reprise plutôt que de stagnation. Les reventes de logements ont connu une hausse constante pendant quatre mois consécutifs jusqu’en mai, les transactions de vente ayant augmenté de 1,4 % par rapport à l’an dernier. C’est la première fois depuis le milieu de 2021 que les ventes de logements affichent une croissance annuelle positive. Cette hausse est observée dans diverses régions du Canada; plus de 75 % des marchés locaux ont enregistré une croissance par rapport à l’an dernier.

L’offre limitée de logements est l’un des facteurs qui expliquent cette tendance. Les nouvelles inscriptions ont diminué de 13,6 % au cours de la dernière année et demeurent inférieures d’environ 16 % à la moyenne enregistrée avant la COVID-19. Par conséquent, les conditions actuelles du marché favorisent les vendeurs (voir le graphique 1). De nombreux ménages semblent hésiter à mettre leur maison en vente, en raison des craintes entourant une baisse potentielle des prix depuis leur achat, l’incapacité de transférer un prêt hypothécaire à faible taux ou la disponibilité d’immeubles locatifs dans un marché locatif vigoureux. Dans l’ensemble, il s’agit d’un résultat remarquable, surtout compte tenu de la hausse de près de 4 points de pourcentage du taux hypothécaire à 5 ans affiché. Il semble que le marché de l’habitation, tout comme l’économie, soit exceptionnellement résilient.

Graphique 1 : Le faible nombre d’inscriptions laisse entrevoir le retour d’un marché de vendeurs

Sources : ACI et Macrobond.

À cet égard, le Canada n’est pas unique. Les prix des logements dans d’autres marchés développés mondiaux, comme l’Australie, les États-Unis et la Corée du Sud, se stabilisent également. Cette situation peut être attribuée à la solidité des finances des ménages et à une préférence structurelle pour un plus grand espace de vie, car bon nombre d’entre eux continuent de travailler de la maison. Par conséquent, les banques centrales mènent d’importants débats sur cette question cruciale.

Les taux d’intérêt sont-ils assez élevés?

L’économie canadienne affiche une proportion particulièrement élevée de secteurs sensibles aux taux d’intérêt, soit environ 25 % contre 21 % aux États-Unis (voir le graphique 2), principalement en raison de l’importance du secteur de l’habitation au Canada (voir le graphique 3). En plus des facteurs mondiaux mentionnés ci-dessus, le Canada compte un certain nombre de facteurs uniques qui stimulent davantage l’activité du marché de l’habitation.

Graphique 2 : La part des secteurs sensibles aux taux du Canada est plus élevée que celle des États-Unis…

Sources : NBF Economics et Strategy.

Graphique 3 : … et d’autres pays

Sources : OCDE et Macrobond.

Tout d’abord, la croissance de la population a été constamment élevée au cours des trois dernières années, soutenue par l’immigration et l’augmentation du nombre de résidents non permanents fréquentant un établissement d’enseignement ou détenant un visa de travail. De plus, les emprunteurs prolongent la période d’amortissement des prêts hypothécaires afin de retarder l’incidence des versements d’intérêts plus élevés qui accompagnent les hausses de taux. Malgré tout, les coûts du service de la dette ont atteint des sommets historiques, représentant 15 % du revenu personnel disponible (voir le graphique 4). Dans sa plus récente Revue du système financier, la BdC a indiqué que plus du tiers des prêts hypothécaires avaient déjà été rajustés ou touchés par la hausse des taux d’intérêt en date de mai de cette année. Sa modélisation montre que cette proportion passera à 47 % d’ici la fin de l’année. De plus, en raison de l’afflux d’acheteurs de logements durant la pandémie, cela s’appliquera à presque tout le monde entre 2025 et 2027 (voir le graphique 5).

Graphique 4 : Les coûts du service de la dette au Canada sont revenus à leurs sommets

Sources : Statistique Canada, Réserve fédérale et Macrobond.

Graphique 5 : Presque tous les versements hypothécaires augmenteront au cours des trois prochaines années

Source : Banque du Canada.

Par conséquent, il est presque certain que les coûts du service de la dette augmenteront pour la proportion de 35 % des ménages qui sont propriétaires et qui ont des prêts hypothécaires.

Même si les ajustements seront sans aucun doute difficiles, nous croyons que les pires scénarios seront probablement évités. Les propriétaires auront accumulé du capital, et la valeur nette des ménages a bondi à 15 700 milliards de dollars, soit une augmentation de 27 % depuis la fin de 2019 (voir le graphique 6). Ainsi, les niveaux d’endettement en pourcentage des actifs demeurent gérables (voir le graphique 7). En effet, les nouveaux prêts hypothécaires ont fait l’objet d’une simulation de crise pour assurer leur abordabilité compte tenu du niveau actuel de 5 % des taux hypothécaires. L’épargne excédentaire découlant des dépenses limitées et de l’important soutien budgétaire durant la pandémie est substantielle. Même si l’épargne excédentaire diminue, elle est estimée à environ 25 milliards de dollars, et une part importante de cette somme est affectée aux dépôts à terme et à d’autres actifs comme les actions. Le point le plus fondamental est peut-être que l’emploi et les revenus réels des ménages ont augmenté considérablement, soit d’environ 5 % depuis 2020.

Graphique 6 : La valeur nette des ménages a bondi

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Graphique 7 : Les niveaux d’endettement sont élevés, mais la valeur des actifs a aussi augmenté

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Toutefois, le secteur canadien des ménages diffère nettement de celui des États-Unis. Même si la forte demande de logements a entraîné une hausse semblable du nombre de mises en chantier, les bilans des ménages divergent. Les taux hypothécaires effectifs des ménages américains sont demeurés relativement stables en raison de la prévalence des prêts hypothécaires à taux fixe de 30 ans, ce qui a entraîné une baisse de la dette et des coûts du service de la dette (voir le graphique 4). Néanmoins, un risque à court terme découle de la récente décision de la Cour suprême d’annuler la radiation des prêts étudiants, ce qui signifie que cette cohorte de consommateurs devra rembourser de nouveau leurs prêts. Selon un récent sondage, 40 % des répondants n’étaient pas au courant de cette décision et n’étaient pas prêts à reprendre leurs paiements. Selon les estimations, les intérêts sur les prêts étudiants se situent entre 64 et 96 milliards de dollars par année, ce qui réduirait le revenu total après impôt d’environ un demi pour cent.

La stabilité des marchés de l’habitation a été remarquable, et va à l’encontre de la croyance populaire selon laquelle un pays plus endetté comme le Canada serait plus vulnérable à une hausse des taux d’intérêt. Même si l’épargne, l’emploi, la valeur des actifs et la demande d’immigrants ont tous soutenu le marché immobilier jusqu’à présent, ces facteurs ne compenseront pas entièrement l’incidence de la hausse des coûts du service de la dette, puisque l’épargne excédentaire diminue. Nous sommes toujours d’avis qu’une récession est à venir, le bon côté de la chose étant peut-être que la BdC aura moins de travail à faire.

Marchés financiers

Après un premier trimestre vigoureux et volatil sur les marchés des actifs, le deuxième trimestre a été plus calme. L’enthousiasme des marchés au premier semestre de l’année reflète l’opinion selon laquelle l’activité économique se maintiendra à mesure que l’inflation diminuera. La résilience des données économiques a contribué à soutenir les bénéfices des sociétés. Notamment, les gains de valeur des actifs sont devenus plus restreints et dictés par des thèmes précis, en particulier l’enthousiasme croissant à l’égard de l’intelligence artificielle (voir le bulletin Perspectives de juin). Par conséquent, les meneurs du marché ont surtout été les sociétés technologiques à grande capitalisation, qui ont nettement surpassé l’ensemble du marché boursier. Ainsi, même si l’indice S&P 500 a progressé de 8,7 % au deuxième trimestre, la majeure partie de ce gain est attribuable au secteur des technologies, qui a bondi de 17,2 %. En revanche, le marché boursier canadien a été à la traîne de ses homologues mondiaux en raison de son exposition relativement limitée aux sociétés technologiques. Néanmoins, les secteurs cycliques, comme ceux de la consommation discrétionnaire, de l’industrie et de la finance, ont surpassé les secteurs défensifs. En effet, l’ampleur de la remontée boursière au Canada s’est améliorée cette année, l’indice S&P/TSX ayant mieux fait que l’indice S&P 500 dans six des onze grands secteurs GICS depuis le début de l’année. Les matières premières ont essentiellement fait du surplace, mais les prix du pétrole ont baissé pour un deuxième trimestre d’affilée.

Les marchés mondiaux des titres à revenu fixe ont été pris de court par la reprise ou l’accélération des hausses de taux par les banques centrales en réaction à l’activité économique résiliente et à l’inflation obstinément élevée. La BdC a relevé son taux cible du financement à un jour de 25 pb, à 4,75 %, et la BdC et la Réserve fédérale ont indiqué que les hausses de taux n’étaient pas encore terminées. Les taux obligataires ont fortement augmenté au deuxième trimestre, en raison surtout des taux à court terme, de sorte que les inversions de la courbe des taux ont atteint des niveaux inégalés depuis 1990. Malgré le resserrement des écarts de crédit attribuable à la faiblesse de l’offre et à la forte demande, l’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé de 0,69 % au deuxième trimestre.

Stratégie de portefeuille

Bien que le caractère cyclique du marché de l’habitation se prête bien à la prévision des cycles économiques, plusieurs flux financiers et préférences des consommateurs ont fait en sorte que les marchés de l’habitation n’ont pas ressenti le plein effet de la hausse des taux d’intérêt, ce qui a posé un défi aux banques centrales. En effet, la résilience économique du Canada est particulièrement digne de mention, compte tenu de l’endettement élevé des ménages. Toutefois, il est peu probable que le lien entre la hausse des taux d’intérêt et un ralentissement économique, même s’il est retardé, soit éliminé. Les tendances historiques montrent que les taux de chômage tendent à rester faibles jusqu’au début d’une récession et que même une hausse de 0,5 point de pourcentage peut déclencher une récession. Les efforts renouvelés des banques centrales pour relever davantage les taux à ce stade du cycle de resserrement, tout en laissant entrevoir la nécessité de maintenir les taux à un niveau élevé, augmentent le risque d’un atterrissage brutal.

Par conséquent, nous prévoyons une diminution des marges bénéficiaires, car les salaires continuent d’accentuer les pressions et le pouvoir de fixation des prix diminue. Nous demeurons donc prudents à l’égard des actions et entrevoyons une baisse des bénéfices au cours des prochains trimestres. Dans les portefeuilles d’actions canadiennes, nous privilégions les sociétés qui devraient constamment produire des bénéfices dans un contexte de faible croissance. Par ailleurs, nous continuons de chercher des sociétés dont les valorisations reflètent le ralentissement prévu ou correspondent à nos thèmes à long terme, comme la hausse des dépenses en immobilisations des entreprises. Ce dernier groupe de sociétés comprend celles qui participent à la reconstruction des chaînes d’approvisionnement et qui font progresser la transition vers les sources d’énergie verte.

Dans les portefeuilles de titres à revenu fixe, nous avons commencé à nous positionner en vue d’une accentuation plus généralisée de la courbe des taux, tout en maintenant une sous-pondération des titres de créance. Ces deux positionnements devraient favoriser les portefeuilles à l’approche d’une récession. Nos portefeuilles équilibrés continuent de sous-pondérer les actions et les titres à revenu fixe, avec une préférence pour les liquidités. Même si la stabilité économique a été bien accueillie, l’optimisme des marchés donne à penser qu’elle se poursuivra. À notre avis, les risques de baisse augmentent.

Gestion de placements CC&L Ltée
juillet 12th, 2023